Pour le logement social

Dernière mise à jour il y a 4 ans, le 17/03/2020

Genre de texte Informatif (rapport statistique ou d'activité, encyclopédie, manuel scolaire,...)

Date de publication 18/06/2019

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langue français

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POUR LE LOGEMENT SOCIAL

Le logement social n’a plus la cote, mais l’a-t-il jamais vraiment eu en Belgique ? Sans entrer dans les détails historiques, politiques, culturels et économiques, nous souhaitons rappeler quelques éléments qui font du concept de logement social un choix au potentiel démocratique et progressiste inégalé jusqu’ici.

Pour répondre au besoin en logements, le soutien à la propriété privée est depuis la création de l’État belge, LA voie privilégiée. Pourtant, force est de constater que cette stratégie n’a pas réglé la situation des ménages pauvres qui sont toujours mal logés. Il n’est pas ici question de morale ou d’éthique, dans un marché immobilier, le logement revêt une double fonction irréconciliable [1]. D’une part, une fonction capitaliste : investir dans la brique est un placement, dont on peut attendre un rendement. D’autre part, une fonction de subsistance : se loger est un besoin élémentaire, et un droit fondamental. Dans un marché faiblement régulé, ces deux fonctions entrent en tension et aujourd’hui, à Bruxelles, l’augmentation des prix et la situation du mal logement témoigne de la primauté de l’impératif de rentabilité sur la fonction vitale du logement, avec les conséquences que l’on connaît. Confier au marché privé la responsabilité de loger la population est, en soi, un renoncement à un projet égalitariste.

UNE CRISE DU LOGEMENT ABORDABLE !

Entre 2003 et 2017, la population bruxelloise a augmenté de 200 000 habitants, et dans le même temps, ce sont un peu plus de 6 000 nouveaux logements qui ont été construits, dont 15 % par les pouvoirs publics.

On pourrait donc aisément conclure à une inadéquation entre les besoins de la population bruxelloise et l’offre en logement, et ce serait exact. Mais pour bien faire, il s’agit de traiter la situation avec plus de finesse.

Car l’inadéquation est encore plus forte pour une partie de la population bruxelloise : les plus pauvres. Le privé construit du logement rentable, pour une population solvable. Les nouveaux logements qu’il met sur le marché ne sont pas à destination des ménages populaires.
Quant aux 1 300 nouveaux logements sociaux construits entre 2005 et 2017, ils ont rapidement trouvé leurs occupants, puisque aujourd’hui 44 000 ménages sont sur la liste d’attente pour un logement social.

Dans le même temps, l’augmentation généralisée des loyers (+ 20 % hors inflation entre 2005 et 2015), et des prix des biens immobiliers (+ 100 % entre 2000 et 2010) va impacter tous les ménages mais avec des conséquences différentes. En effet, selon les revenus, l’effort fourni pour se loger « plus cher » sera consenti sur différents postes de dépenses selon les catégories sociales.

Mais en plus, les loyers les plus faibles, pour les logements les plus petits, et les moins confortables vont augmenter proportionnellement plus que les autres logements.

Pour rappel, à Bruxelles :
➞ 60 % des ménages sont locataires.
➞ 6,85 % du parc sont du logement social.
➞ Au moins 50 % des ménages, soit au moins 270 000 ménages, sont dans les conditions d’accès au logement social.
➞ 44 000 personnes sont en attente d’un logement social.

Fort de tous ces éléments, la crise du logement s’est imposée comme un problème à régler imminemment. Et pour cause, elle touche tout le monde : que vous soyez riche ou pauvre, si vous n’êtes pas propriétaire, vous constatez bien que les loyers augmentent et que les prix de l’acquisition deviennent fous.
Oui mais, sous couvert de la crise du logement, on permet tout et n’importe quoi pour augmenter VITE le parc de logements neufs : construction de tours de logements de standing, constructions privées sur des parcelles réservées à des espaces verts, etc.

Or l’urgence se trouve plutôt du côté du logement abordable. Et des espaces bâtis à occuper à Bruxelles, il y en a : bâtiments vides, bureaux inoccupés, maisons sous-occupées, etc.

Mais pour s’en saisir, il faut oser toucher à la propriété privée…

Après une version préliminaire dans laquelle il n’y avait aucun chapitre spécifique au logement, la dernière mouture du PRDD, récemment adoptée, dédie seulement 3 pages sur les 180 à ce sujet. Dans ce « chapitre », aucune projection précise sur le nombre de logements publics, et de logements sociaux n’est présentée. Il faut parcourir l’entièreté du texte pour comprendre que 42 000 logements sont souhaités, et qu’idéalement au moins 15 % de ces logements devraient être publics. Alors que le texte mentionne la crise du logement abordable, et répertorie bien le manque de logement social, la plupart des logements publics prévus dans les différents terrains identifiés sont repris sous les termes « logements publics », ou « logements assimilés au logement social ». On pourrait admettre que l’urgence est telle que tout « est bon à prendre », mais ce serait faire une grossière erreur que de confondre le logement social et le logement accessible aux classes populaires (parce que « peu » onéreux).

En effet, le logement social porte en lui, en ce qu’il pourrait être, des caractéristiques uniques qui en font une solution profondément différente du « logement public », du logement confié aux Agences immobilières sociales, et même du logement privé abordable (si tant est que cela existe encore). Quels que soient l’état et la gestion actuelle des logements sociaux [2], ce texte s’attache à rappeler certains principes intrinsèques et fondamentaux du logement social.

LISTE NON EXHAUSTIVE DES AVANTAGES DU LOGEMENT SOCIAL :

1. Le logement social répond à des besoins et non à des moyens
Le seul objet immobilier qui prend uniquement en compte les besoins des habitants est le logement social. Il est la seule façon de contourner le besoin de rentabilité des investisseurs privés, il est le seul à mettre l’offre (en terme de loyers et de caractéristiques du bien) au niveau de la demande (en terme de besoins et de moyens).

2. Le logement social, en principe, ne permet pas la discrimination
Le marché privé est discriminatoire. Les travaux menés, notamment par Unia [3], et n’importe quelle personne issue de l’immigration pauvre, n’importe quel bénéficiaire du CPAS, n’importe quel assistant social, n’importe quel agent immobilier frappé d’honnêteté vous le diraient : sur le marché du logement privé, la discrimination est pratiquement la norme.
Que ce soit par racisme larvé, ou par simple calcul de minimisation des risques, l’étranger, le pauvre, la mère célibataire, toutes ces « tares » étant cumulables, éprouvent de très grandes difficultés à se loger, et se retrouvent en compétition les un·es avec les autres pour occuper, pour un loyer trop élevé, des logements médiocres (voire insalubres).
Les tests de discrimination auprès des agences immobilières ou des propriétaires, les remontrances n’y changeront rien. Si la réforme du bail condamne dans le texte les discriminations, elle laisse à la discrétion du/de la propriétaire le choix du/de la locataire.
Seul le logement public contrôlé, seule une attribution transparente permet de ne pas discriminer.

3. Le logement social soumet à la collectivité l’usage de l’argent
Selon un calcul maison [4], chaque année à Bruxelles, ce sont au moins 2,6 milliards d’euros qui sont payés par des locataires à des propriétaires privés. 2,6 milliards d’euros, c’est la moitié du budget de la Région de Bruxelles-Capitale. C’est, en somme, vraiment, beaucoup d’argent.
Rappelons qu’en Belgique, les revenus réellement tirés des loyers perçus ne font pas l’objet d’une imposition. Cela signifie donc que 2,6 milliards d’euros échappent totalement à un quelconque contrôle démocratique. Vous payez pour vous loger, et vous n’avez rien à dire sur l’usage qui est fait de cet argent : de l’amélioration nécessaire de votre logement à l’investissement public.
En théorie toujours, les loyers perçus dans le système du logement social sont comme en « circuit fermé » : ce qui est perçu sert à améliorer les conditions de logement des occupants.

4. Le logement social échappe à la spéculation foncière
Le logement social, le logement public, les terrains publics qui sont conservés par les pouvoirs publics peuvent être un rempart contre la spéculation et l’augmentation des valeurs foncières. Et l’augmentation des valeurs immobilières avantage les propriétaires et désavantage les locataires.
Plus intéressant encore, Anne Clerval, en étudiant le cas de Paris [5], a démontré que les quartiers dans lesquels on trouve une importante proportion de logements sociaux sont également ceux dans lesquels la gentrification progresse moins vite.
Ainsi, l’investissement dans les logements sociaux dans le cadre d’actions spatialisées type rénovation urbaine, contrat de quartier, etc., est un moyen efficace d’investir dans l’amélioration des quartiers, sans avoir les effets pervers de l’augmentation des valeurs foncières et locatives. Pour que les améliorations du « cadre de vie » profitent réellement aux habitant·es en place, une politique audacieuse de logements sociaux peut être une solution.

5. Le logement social permet de lutter contre les inégalités
Le marché privé creuse les inégalités entre les différentes couches sociales de la population. En effet, il met en compétition des ménages qui ont des pouvoirs d’achats différents. Les plus pauvres, en payant continuellement une part trop importante de leur revenu pour se loger dans le marché privé, transfèrent leur « richesse » à des propriétaires qui tendanciellement appartiennent à une classe plus favorisée [6].
Par ailleurs, l’augmentation des valeurs foncières, sans augmentation de revenus, accroît toujours les inégalités : lorsqu’un logement coûte plus cher qu’avant, sans qu’il ait été amélioré et sans que les revenus du locataire aient eux-mêmes été revus à la hausse, la part du budget allouée au logement aura des impacts différents selon la catégorie sociale. Les ménages populaires devront sacrifier des postes essentiels (soins de santé, « dernier petit plaisir », etc.). Tandis que, et bien que cela ne soit pas agréable pour autant, les ménages des classes moyennes réduiront des dépenses de loisir, ou encore l’importance de leur épargne.

6. Le logement social offre une stabilité qui permet de compenser le manque de ressources
Le quartier revêt un rôle fondamental difficile à percevoir. L’ancrage local permet de compenser les difficultés rencontrées par de nombreux ménages pauvres : connaître ses voisins, avoir recours à la solidarité locale, s’approvisionner à moindre coût, etc. Seulement, les classes populaires déménagent nettement plus que les autres au cours d’une vie. Sur le marché privé il n’est pas rare de se voir signifier un préavis au milieu d’un bail, ce qui crée un fort sentiment d’insécurité relatif au logement. Cette insécurité et les difficultés à retrouver un logement ont des conséquences : acceptation de logements dégradés, bienveillance vis-à-vis d’un propriétaire abusif et, en corollaire, la toute puissance de ceux-ci.
Le logement social, jusqu’il y a peu, offrait une véritable sécurité : on ne devait plus craindre pour le lendemain, on ne devait plus batailler pour rester dans le quartier. Il offrait une stabilité géographique. Avec la fin du bail à vie cette sécurité est remise en question.
Par ailleurs, le logement social offre également une stabilité financière qui peut également donner de la force sur le marché du travail. Lorsque le logement est assuré, lorsque le loyer ne grève pas notre budget, il est plus facile de refuser l’humiliation et l’exploitation sur le marché du travail. Il est alors possible de relever la tête et de dire « non ».

7. Le logement social pourrait « rapporter de l’argent »
En Angleterre, sur base des documents comptables du début du XXe siècle d’une société de logements sociaux londoniens, Colin Wiles a établi qu’un immeuble de logements sociaux s’était « remboursé » par les loyers sur 17 ans. Le bâtiment, construit en 1890 n’est sorti du parc de logements sociaux qu’en 1980. Il avait donc, dès le début du siècle, remboursé ce qu’il avait coûté à la construction, achat du terrain compris [7], et a ensuite engrangé des bénéfices qui ont pu être réinvestis. Cela n’est pas fondamentalement étonnant puisque l’acquisition du terrain, le coût de construction du bâtiment s’amortit dans le temps.
Les terrains publics sont certes rares, et se raréfient à Bruxelles, mais ils existent. Construire des logements sociaux sur ces terrains coûte le prix de la construction, une valeur qui pourrait être récupérée au fur et à mesure de l’entrée des loyers, même modestes.
Les logements confiés aux AIS coûtent actuellement « moins chers » puisque la Région ne fait que subventionner l’accompagnement, la rénovation éventuelle, et le différentiel entre le loyer payé au propriétaire et celui payé par le locataire. Elle n’a pas à débourser le prix complet de l’achat d’un terrain et d’une construction neuve sur celui-ci. Cependant, cet argent est totalement perdu pour les finances publiques. Tandis que des logements sociaux bien construits, gérés avec soin, entretenus en temps et en heure, ainsi que le foncier sur lequel ils se tiennent, appartiendront toujours à la collectivité. Il s’agit d’un investissement qui mettra plus de temps à être rentable, mais qui pourrait rapporter des bénéfices. Cet argent peut-être réinvesti dans le logement social.


AIS… KESAKO ?

Agence immobilière sociale : une agence immobilière sociale est une ASBL qui va jouer les intermédiaires entre, d’une part, un candidat locataire qui entre dans les conditions du logement social, et d’autre part, un propriétaire qui confie son bien à l’AIS.
Subsidiée par les pouvoirs publics, l’AIS s’engage auprès du propriétaire à gérer la location de son bien, et la rénovation si nécessaire (conditions variables).
Le propriétaire accepte un loyer inférieur au prix du marché.
Le locataire paie un loyer inférieur au prix du marché également.
Les pouvoirs publics comblent la différence entre le loyer payé par le locataire et le loyer perçu par le propriétaire, ils financent les AIS, et une partie des rénovations.

8. L’image du logement social dépend… du logement social ?
En comparant l’image du logement social en France, Dietrich-Ragon a démontré que plus les personnes connaissaient des occupants de logements sociaux, meilleure était leur représentation des logements sociaux. Notamment, les personnes interrogées qui avaient grandi dans des logements sociaux, ou dont les parents occupaient un logement social, avaient tendance à trouver que le logement social était un moyen d’habiter dignement et mettait à disposition des logements de qualité [8].
Deux modèles en matière de politique de logements sociaux existent en Europe [9] : le modèle résiduel et le modèle généraliste. Dans le modèle résiduel, à la belge, peu de logements sociaux ont été construits et ces logements sont aujourd’hui destinés à l’accueil d’une partie de la part la plus pauvre de la population. Les relais politiques de ces habitants, la petitesse de leur capital culturel rend leur possibilité d’expression dans l’espace public très limité. Dans le modèle généraliste, par exemple le modèle viennois, la part de logements sociaux et publics compte pour 60 % du parc. De ce fait, ces logements ne sont plus un marqueur social de l’extrême pauvreté, et une part plus importante de ses occupants possèdent des moyens d’expression et de revendications importants.
Il n’y a qu’un pas à franchir, un pari à faire : celui que l’augmentation de la part du logement social dans les villes redorerait l’image de ces derniers…

9. Le logement social remet en question la primauté de la propriété privée
Finalement, le logement social remet fondamentalement en question la primauté de la propriété privée dans la hiérarchie des valeurs. Et c’est peut-être un problème pour les élites libérales. Au XIXe siècle, et à nouveau après la deuxième guerre mondiale, les forces politiques en présence en Belgique ont fait le choix du soutien à la propriété privée, plutôt que du soutien au logement social et public. Ce choix ne s’est pas fait par hasard, et ne fut pas sans conséquences. En effet, l’accès à la propriété privée a fait adhérer la classe ouvrière aux valeurs de l’économie de marché [10] : en devenant propriétaire, et en détenant désormais un capital immobilier, ces ménages se sont inquiétés de la valeur et de la dégradation de ce bien, ainsi que de la stabilité du marché.
Ne vous y trompez pas, les choses n’ont pas changé, comme le disait M. Guy Vanhengel, ministre bruxellois des finances en 2006 lors d’une séance plénière du parlement bruxellois : « Le fait que le gouvernement fasse l’impossible pour inciter les Bruxellois à devenir propriétaires de leur logement […] est une forme de ce que je pourrais appeler ‘l’incitation au capitalisme populaire’, auquel nous incitons les Bruxellois… »


LE LOGEMENT SOCIAL : UN BIEN COMMUN

La forme actuelle du logement social n’est pas une raison suffisante pour le disqualifier. Au contraire, ses avantages et ses valeurs devraient être réaffirmées et réinvesties. Il n’y a pas un modèle, pas une bonne manière de faire, il y a un potentiel.

Si parler de logement social et non de logement public tient tant à cœur à IEB, c’est qu’une part importante de la population bruxelloise se trouve aujourd’hui dans une situation de mal logement effarante. Une situation invisible pour de nombreux habitants bruxellois, difficilement représentable et impossible à quantifier. L’état du bâti, les prix pratiqués sur le marché du logement « abordable » sont désastreux. Il faut pour s’en rendre compte passer les portes d’habitation dans lesquelles on ne vous invitera pas, tant leurs habitants ont honte de l’état du bien qu’ils occupent. Il y a réellement une urgence, spécialement pour les ménages populaires. Si parler de logement social et non de logement à caractère social tient tant à cœur à IEB, c’est bien parce qu’il permet une appropriation collective, une maîtrise « démocratique » sur le temps long.

Le logement social comme concept est une revendication d’une vie digne pour tous. Il est la remise en question de la primauté de la propriété privée sur le droit au logement.


NOTES

[1] A. Romainville, L’impossible droit au logement, LAVA, 2018.
[2] Il ne s’agit ni de prôner un État tout puissant, ni de nier les difficultés rencontrées aujourd’hui par le logement social, ses habitant·es, ses travailleur·ses et les 44 000 ménages en attente d’un logement social.
[3] https://www.unia.be/fr/publications-et-statistiques/publications/barometre-de-la-diversite-logement
[4] Nombre de ménages locataires × loyer moyen tel que défini par l’Observatoire des loyers, soit 710 euros. Notons par ailleurs que la récente étude de l’IWEPS, estimait le loyer moyen bruxellois à un peu plus de 820 euros
(à partir de la base de données des baux enregistrés).
[5] A. Clerval, Paris sans le peuple. La gentrification de la capitale, Paris, éd. La Découverte, coll. « Hors collection Sciences Humaines », 2013.
[6] P. DE DECKER, Jammed between housing and property rights. Belgian private renting in perspective. European Journal of Housing Policy, 1(1):17-40, 2001.
[7] Colin Wiles, « Building on History », 2015 [www.insidehousing.co.uk
[8] P. Dietrich-Ragon, « Qui rêve du logement social ? », in Sociologie, 2013.
[9] Ibid.
[10] P. Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, 2002, Paris, Seuil.

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POUR LE LOGEMENT SOCIAL

Le logement social n’a plus la cote, mais l’a-t-il jamais vraiment eu en Belgique ? Sans entrer dans les détails historiques, politiques, culturels et économiques, nous souhaitons rappeler quelques éléments qui font du concept de logement social un choix au potentiel démocratique et progressiste inégalé jusqu’ici.

Pour répondre au besoin en logements, le soutien à la propriété privée est depuis la création de l’État belge, LA voie privilégiée. Pourtant, force est de constater que cette stratégie n’a pas réglé la situation des ménages pauvres qui sont toujours mal logés. Il n’est pas ici question de morale ou d’éthique, dans un marché immobilier, le logement revêt une double fonction irréconciliable [1]. D’une part, une fonction capitaliste : investir dans la brique est un placement, dont on peut attendre un rendement. D’autre part, une fonction de subsistance : se loger est un besoin élémentaire, et un droit fondamental. Dans un marché faiblement régulé, ces deux fonctions entrent en tension et aujourd’hui, à Bruxelles, l’augmentation des prix et la situation du mal logement témoigne de la primauté de l’impératif de rentabilité sur la fonction vitale du logement, avec les conséquences que l’on connaît. Confier au marché privé la responsabilité de loger la population est, en soi, un renoncement à un projet égalitariste.

UNE CRISE DU LOGEMENT ABORDABLE !

Entre 2003 et 2017, la population bruxelloise a augmenté de 200 000 habitants, et dans le même temps, ce sont un peu plus de 6 000 nouveaux logements qui ont été construits, dont 15 % par les pouvoirs publics.

On pourrait donc aisément conclure à une inadéquation entre les besoins de la population bruxelloise et l’offre en logement, et ce serait exact. Mais pour bien faire, il s’agit de traiter la situation avec plus de finesse.

Car l’inadéquation est encore plus forte pour une partie de la population bruxelloise : les plus pauvres. Le privé construit du logement rentable, pour une population solvable. Les nouveaux logements qu’il met sur le marché ne sont pas à destination des ménages populaires.
Quant aux 1 300 nouveaux logements sociaux construits entre 2005 et 2017, ils ont rapidement trouvé leurs occupants, puisque aujourd’hui 44 000 ménages sont sur la liste d’attente pour un logement social.

Dans le même temps, l’augmentation généralisée des loyers (+ 20 % hors inflation entre 2005 et 2015), et des prix des biens immobiliers (+ 100 % entre 2000 et 2010) va impacter tous les ménages mais avec des conséquences différentes. En effet, selon les revenus, l’effort fourni pour se loger « plus cher » sera consenti sur différents postes de dépenses selon les catégories sociales.

Mais en plus, les loyers les plus faibles, pour les logements les plus petits, et les moins confortables vont augmenter proportionnellement plus que les autres logements.

Pour rappel, à Bruxelles :
➞ 60 % des ménages sont locataires.
➞ 6,85 % du parc sont du logement social.
➞ Au moins 50 % des ménages, soit au moins 270 000 ménages, sont dans les conditions d’accès au logement social.
➞ 44 000 personnes sont en attente d’un logement social.

Fort de tous ces éléments, la crise du logement s’est imposée comme un problème à régler imminemment. Et pour cause, elle touche tout le monde : que vous soyez riche ou pauvre, si vous n’êtes pas propriétaire, vous constatez bien que les loyers augmentent et que les prix de l’acquisition deviennent fous.
Oui mais, sous couvert de la crise du logement, on permet tout et n’importe quoi pour augmenter VITE le parc de logements neufs : construction de tours de logements de standing, constructions privées sur des parcelles réservées à des espaces verts, etc.

Or l’urgence se trouve plutôt du côté du logement abordable. Et des espaces bâtis à occuper à Bruxelles, il y en a : bâtiments vides, bureaux inoccupés, maisons sous-occupées, etc.

Mais pour s’en saisir, il faut oser toucher à la propriété privée…

Après une version préliminaire dans laquelle il n’y avait aucun chapitre spécifique au logement, la dernière mouture du PRDD, récemment adoptée, dédie seulement 3 pages sur les 180 à ce sujet. Dans ce « chapitre », aucune projection précise sur le nombre de logements publics, et de logements sociaux n’est présentée. Il faut parcourir l’entièreté du texte pour comprendre que 42 000 logements sont souhaités, et qu’idéalement au moins 15 % de ces logements devraient être publics. Alors que le texte mentionne la crise du logement abordable, et répertorie bien le manque de logement social, la plupart des logements publics prévus dans les différents terrains identifiés sont repris sous les termes « logements publics », ou « logements assimilés au logement social ». On pourrait admettre que l’urgence est telle que tout « est bon à prendre », mais ce serait faire une grossière erreur que de confondre le logement social et le logement accessible aux classes populaires (parce que « peu » onéreux).

En effet, le logement social porte en lui, en ce qu’il pourrait être, des caractéristiques uniques qui en font une solution profondément différente du « logement public », du logement confié aux Agences immobilières sociales, et même du logement privé abordable (si tant est que cela existe encore). Quels que soient l’état et la gestion actuelle des logements sociaux [2], ce texte s’attache à rappeler certains principes intrinsèques et fondamentaux du logement social.

LISTE NON EXHAUSTIVE DES AVANTAGES DU LOGEMENT SOCIAL :

1. Le logement social répond à des besoins et non à des moyens
Le seul objet immobilier qui prend uniquement en compte les besoins des habitants est le logement social. Il est la seule façon de contourner le besoin de rentabilité des investisseurs privés, il est le seul à mettre l’offre (en terme de loyers et de caractéristiques du bien) au niveau de la demande (en terme de besoins et de moyens).

2. Le logement social, en principe, ne permet pas la discrimination
Le marché privé est discriminatoire. Les travaux menés, notamment par Unia [3], et n’importe quelle personne issue de l’immigration pauvre, n’importe quel bénéficiaire du CPAS, n’importe quel assistant social, n’importe quel agent immobilier frappé d’honnêteté vous le diraient : sur le marché du logement privé, la discrimination est pratiquement la norme.
Que ce soit par racisme larvé, ou par simple calcul de minimisation des risques, l’étranger, le pauvre, la mère célibataire, toutes ces « tares » étant cumulables, éprouvent de très grandes difficultés à se loger, et se retrouvent en compétition les un·es avec les autres pour occuper, pour un loyer trop élevé, des logements médiocres (voire insalubres).
Les tests de discrimination auprès des agences immobilières ou des propriétaires, les remontrances n’y changeront rien. Si la réforme du bail condamne dans le texte les discriminations, elle laisse à la discrétion du/de la propriétaire le choix du/de la locataire.
Seul le logement public contrôlé, seule une attribution transparente permet de ne pas discriminer.

3. Le logement social soumet à la collectivité l’usage de l’argent
Selon un calcul maison [4], chaque année à Bruxelles, ce sont au moins 2,6 milliards d’euros qui sont payés par des locataires à des propriétaires privés. 2,6 milliards d’euros, c’est la moitié du budget de la Région de Bruxelles-Capitale. C’est, en somme, vraiment, beaucoup d’argent.
Rappelons qu’en Belgique, les revenus réellement tirés des loyers perçus ne font pas l’objet d’une imposition. Cela signifie donc que 2,6 milliards d’euros échappent totalement à un quelconque contrôle démocratique. Vous payez pour vous loger, et vous n’avez rien à dire sur l’usage qui est fait de cet argent : de l’amélioration nécessaire de votre logement à l’investissement public.
En théorie toujours, les loyers perçus dans le système du logement social sont comme en « circuit fermé » : ce qui est perçu sert à améliorer les conditions de logement des occupants.

4. Le logement social échappe à la spéculation foncière
Le logement social, le logement public, les terrains publics qui sont conservés par les pouvoirs publics peuvent être un rempart contre la spéculation et l’augmentation des valeurs foncières. Et l’augmentation des valeurs immobilières avantage les propriétaires et désavantage les locataires.
Plus intéressant encore, Anne Clerval, en étudiant le cas de Paris [5], a démontré que les quartiers dans lesquels on trouve une importante proportion de logements sociaux sont également ceux dans lesquels la gentrification progresse moins vite.
Ainsi, l’investissement dans les logements sociaux dans le cadre d’actions spatialisées type rénovation urbaine, contrat de quartier, etc., est un moyen efficace d’investir dans l’amélioration des quartiers, sans avoir les effets pervers de l’augmentation des valeurs foncières et locatives. Pour que les améliorations du « cadre de vie » profitent réellement aux habitant·es en place, une politique audacieuse de logements sociaux peut être une solution.

5. Le logement social permet de lutter contre les inégalités
Le marché privé creuse les inégalités entre les différentes couches sociales de la population. En effet, il met en compétition des ménages qui ont des pouvoirs d’achats différents. Les plus pauvres, en payant continuellement une part trop importante de leur revenu pour se loger dans le marché privé, transfèrent leur « richesse » à des propriétaires qui tendanciellement appartiennent à une classe plus favorisée [6].
Par ailleurs, l’augmentation des valeurs foncières, sans augmentation de revenus, accroît toujours les inégalités : lorsqu’un logement coûte plus cher qu’avant, sans qu’il ait été amélioré et sans que les revenus du locataire aient eux-mêmes été revus à la hausse, la part du budget allouée au logement aura des impacts différents selon la catégorie sociale. Les ménages populaires devront sacrifier des postes essentiels (soins de santé, « dernier petit plaisir », etc.). Tandis que, et bien que cela ne soit pas agréable pour autant, les ménages des classes moyennes réduiront des dépenses de loisir, ou encore l’importance de leur épargne.

6. Le logement social offre une stabilité qui permet de compenser le manque de ressources
Le quartier revêt un rôle fondamental difficile à percevoir. L’ancrage local permet de compenser les difficultés rencontrées par de nombreux ménages pauvres : connaître ses voisins, avoir recours à la solidarité locale, s’approvisionner à moindre coût, etc. Seulement, les classes populaires déménagent nettement plus que les autres au cours d’une vie. Sur le marché privé il n’est pas rare de se voir signifier un préavis au milieu d’un bail, ce qui crée un fort sentiment d’insécurité relatif au logement. Cette insécurité et les difficultés à retrouver un logement ont des conséquences : acceptation de logements dégradés, bienveillance vis-à-vis d’un propriétaire abusif et, en corollaire, la toute puissance de ceux-ci.
Le logement social, jusqu’il y a peu, offrait une véritable sécurité : on ne devait plus craindre pour le lendemain, on ne devait plus batailler pour rester dans le quartier. Il offrait une stabilité géographique. Avec la fin du bail à vie cette sécurité est remise en question.
Par ailleurs, le logement social offre également une stabilité financière qui peut également donner de la force sur le marché du travail. Lorsque le logement est assuré, lorsque le loyer ne grève pas notre budget, il est plus facile de refuser l’humiliation et l’exploitation sur le marché du travail. Il est alors possible de relever la tête et de dire « non ».

7. Le logement social pourrait « rapporter de l’argent »
En Angleterre, sur base des documents comptables du début du XXe siècle d’une société de logements sociaux londoniens, Colin Wiles a établi qu’un immeuble de logements sociaux s’était « remboursé » par les loyers sur 17 ans. Le bâtiment, construit en 1890 n’est sorti du parc de logements sociaux qu’en 1980. Il avait donc, dès le début du siècle, remboursé ce qu’il avait coûté à la construction, achat du terrain compris [7], et a ensuite engrangé des bénéfices qui ont pu être réinvestis. Cela n’est pas fondamentalement étonnant puisque l’acquisition du terrain, le coût de construction du bâtiment s’amortit dans le temps.
Les terrains publics sont certes rares, et se raréfient à Bruxelles, mais ils existent. Construire des logements sociaux sur ces terrains coûte le prix de la construction, une valeur qui pourrait être récupérée au fur et à mesure de l’entrée des loyers, même modestes.
Les logements confiés aux AIS coûtent actuellement « moins chers » puisque la Région ne fait que subventionner l’accompagnement, la rénovation éventuelle, et le différentiel entre le loyer payé au propriétaire et celui payé par le locataire. Elle n’a pas à débourser le prix complet de l’achat d’un terrain et d’une construction neuve sur celui-ci. Cependant, cet argent est totalement perdu pour les finances publiques. Tandis que des logements sociaux bien construits, gérés avec soin, entretenus en temps et en heure, ainsi que le foncier sur lequel ils se tiennent, appartiendront toujours à la collectivité. Il s’agit d’un investissement qui mettra plus de temps à être rentable, mais qui pourrait rapporter des bénéfices. Cet argent peut-être réinvesti dans le logement social.


AIS… KESAKO ?

Agence immobilière sociale : une agence immobilière sociale est une ASBL qui va jouer les intermédiaires entre, d’une part, un candidat locataire qui entre dans les conditions du logement social, et d’autre part, un propriétaire qui confie son bien à l’AIS.
Subsidiée par les pouvoirs publics, l’AIS s’engage auprès du propriétaire à gérer la location de son bien, et la rénovation si nécessaire (conditions variables).
Le propriétaire accepte un loyer inférieur au prix du marché.
Le locataire paie un loyer inférieur au prix du marché également.
Les pouvoirs publics comblent la différence entre le loyer payé par le locataire et le loyer perçu par le propriétaire, ils financent les AIS, et une partie des rénovations.

8. L’image du logement social dépend… du logement social ?
En comparant l’image du logement social en France, Dietrich-Ragon a démontré que plus les personnes connaissaient des occupants de logements sociaux, meilleure était leur représentation des logements sociaux. Notamment, les personnes interrogées qui avaient grandi dans des logements sociaux, ou dont les parents occupaient un logement social, avaient tendance à trouver que le logement social était un moyen d’habiter dignement et mettait à disposition des logements de qualité [8].
Deux modèles en matière de politique de logements sociaux existent en Europe [9] : le modèle résiduel et le modèle généraliste. Dans le modèle résiduel, à la belge, peu de logements sociaux ont été construits et ces logements sont aujourd’hui destinés à l’accueil d’une partie de la part la plus pauvre de la population. Les relais politiques de ces habitants, la petitesse de leur capital culturel rend leur possibilité d’expression dans l’espace public très limité. Dans le modèle généraliste, par exemple le modèle viennois, la part de logements sociaux et publics compte pour 60 % du parc. De ce fait, ces logements ne sont plus un marqueur social de l’extrême pauvreté, et une part plus importante de ses occupants possèdent des moyens d’expression et de revendications importants.
Il n’y a qu’un pas à franchir, un pari à faire : celui que l’augmentation de la part du logement social dans les villes redorerait l’image de ces derniers…

9. Le logement social remet en question la primauté de la propriété privée
Finalement, le logement social remet fondamentalement en question la primauté de la propriété privée dans la hiérarchie des valeurs. Et c’est peut-être un problème pour les élites libérales. Au XIXe siècle, et à nouveau après la deuxième guerre mondiale, les forces politiques en présence en Belgique ont fait le choix du soutien à la propriété privée, plutôt que du soutien au logement social et public. Ce choix ne s’est pas fait par hasard, et ne fut pas sans conséquences. En effet, l’accès à la propriété privée a fait adhérer la classe ouvrière aux valeurs de l’économie de marché [10] : en devenant propriétaire, et en détenant désormais un capital immobilier, ces ménages se sont inquiétés de la valeur et de la dégradation de ce bien, ainsi que de la stabilité du marché.
Ne vous y trompez pas, les choses n’ont pas changé, comme le disait M. Guy Vanhengel, ministre bruxellois des finances en 2006 lors d’une séance plénière du parlement bruxellois : « Le fait que le gouvernement fasse l’impossible pour inciter les Bruxellois à devenir propriétaires de leur logement […] est une forme de ce que je pourrais appeler ‘l’incitation au capitalisme populaire’, auquel nous incitons les Bruxellois… »


LE LOGEMENT SOCIAL : UN BIEN COMMUN

La forme actuelle du logement social n’est pas une raison suffisante pour le disqualifier. Au contraire, ses avantages et ses valeurs devraient être réaffirmées et réinvesties. Il n’y a pas un modèle, pas une bonne manière de faire, il y a un potentiel.

Si parler de logement social et non de logement public tient tant à cœur à IEB, c’est qu’une part importante de la population bruxelloise se trouve aujourd’hui dans une situation de mal logement effarante. Une situation invisible pour de nombreux habitants bruxellois, difficilement représentable et impossible à quantifier. L’état du bâti, les prix pratiqués sur le marché du logement « abordable » sont désastreux. Il faut pour s’en rendre compte passer les portes d’habitation dans lesquelles on ne vous invitera pas, tant leurs habitants ont honte de l’état du bien qu’ils occupent. Il y a réellement une urgence, spécialement pour les ménages populaires. Si parler de logement social et non de logement à caractère social tient tant à cœur à IEB, c’est bien parce qu’il permet une appropriation collective, une maîtrise « démocratique » sur le temps long.

Le logement social comme concept est une revendication d’une vie digne pour tous. Il est la remise en question de la primauté de la propriété privée sur le droit au logement.


NOTES

[1] A. Romainville, L’impossible droit au logement, LAVA, 2018.
[2] Il ne s’agit ni de prôner un État tout puissant, ni de nier les difficultés rencontrées aujourd’hui par le logement social, ses habitant·es, ses travailleur·ses et les 44 000 ménages en attente d’un logement social.
[3] https://www.unia.be/fr/publications-et-statistiques/publications/barometre-de-la-diversite-logement
[4] Nombre de ménages locataires × loyer moyen tel que défini par l’Observatoire des loyers, soit 710 euros. Notons par ailleurs que la récente étude de l’IWEPS, estimait le loyer moyen bruxellois à un peu plus de 820 euros
(à partir de la base de données des baux enregistrés).
[5] A. Clerval, Paris sans le peuple. La gentrification de la capitale, Paris, éd. La Découverte, coll. « Hors collection Sciences Humaines », 2013.
[6] P. DE DECKER, Jammed between housing and property rights. Belgian private renting in perspective. European Journal of Housing Policy, 1(1):17-40, 2001.
[7] Colin Wiles, « Building on History », 2015 [www.insidehousing.co.uk
[8] P. Dietrich-Ragon, « Qui rêve du logement social ? », in Sociologie, 2013.
[9] Ibid.
[10] P. Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, 2002, Paris, Seuil.

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