Le débat sur la réforme du jury d’assises reprend ce mercredi à la Chambre et pourrait prendre un tournant communautaire
La proposition de révision émise par la N-VA prend un tournant communautaire.
- Publié le 30-06-2020 à 19h17
- Mis à jour le 02-07-2020 à 19h10
Faut-il réformer la cour d’assises en Belgique ? Le débat n’est pas neuf, mais il refait surface aujourd’hui. Ce mercredi, la proposition de révision de l’article 150 de la Constitution en vue de supprimer le jury pour les crimes de terrorisme sera en effet discutée à la Chambre.
En mars déjà, le procureur fédéral, Frédéric Van Leeuw, plaidait pour une révision du jury populaire dont le fonctionnement est jugé dépassé. “L’instauration du jury populaire remonte à une époque où l’on doutait non seulement de la probité du juge, mais aussi où l’on avait peur que ce dernier prenne le pouvoir. Ces craintes, en tout cas je l’espère, ne sont plus d’actualité”, avait alors déclaré le procureur fédéral.
“Dans l’intérêt des victimes”
En lieu et place d’un tirage au sort de personnes issues de la société civile, le procureur suggère que le jury soit composé de juges professionnels. Une piste lancée également par la N-VA, à la base de la proposition de révision de ce jour. “Soyons réalistes, nous savons qu’il y a peu de chance qu’une institution comme la cour d’assises soit complètement réformée, d’autant qu’il n’y a pas que des mauvaises choses. Par contre, nous estimons que le jury d’assises, lui, doit évoluer”, explique Kristien Van Vaerenbergh, députée N-VA et présidente de la commission justice.
Elle est d’ailleurs à la base des discussions du jour concernant donc l’article 150 de la constitution qui concerne “le jury établi en toutes matières criminelles, pour les délits politiques et pour les délits de presse inspirés par le racisme et la xénophobie”.
Mais à la N-VA, on est très clairs : la révision demandée concerne un cas précis : les affaires terroristes. En ligne de mire, le procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, qui devrait démarrer en septembre 2021.
“Le procès des attentats de Bruxelles approche à grands pas, nous devons donc agir au plus vite et dans l’intérêt des victimes. Le parcours législatif est long et un débat de fond est nécessaire, nous en sommes bien conscients, et c’est pour cela que nous insistons pour que le travail soit entamé dès ce 1er juillet. Le procès des attentats devrait durer près de 8 mois. Imaginez un procès aussi long, mobilisant des personnes issues de la société pour une affaire aussi importante, c’est intenable”, estime Kristien Van Vaerenbergh. Au-delà des délais, les questions pratiques inquiètent la députée. “Ces personnes devront quitter leur emploi le temps du procès, il faudra assurer leur sécurité et veiller aux risques d’intimidation pour éviter les vices de procédure. Enfin, ce jury devra trancher dans une affaire où près de 30 000 questions seront posées. En d’autres termes, le procès, s’il est organisé sans réforme du jury d’assises, court à la catastrophe et la Belgique sera la risée de tous.”
“Pas de réforme en coin de table”
Cette révision de la Constitution prendrait-elle également des airs communautaires ? Kristien Van Vaerenbergh dit en tout cas être soutenue par l’ensemble des partis du nord du pays. “Si la réforme de la cour d’assises ne fait pas l’unanimité côté flamand, revoir la fonction du jury populaire fédère en Flandre. Et pas pour des raisons communautaires, mais pour des raisons pragmatiques. Si les partis francophones ont l’habitude de s’inspirer de la France, qu’ils le fassent, d’autant plus qu’en France, il n’y a plus de jury populaire dans ce type d’affaire”, rappelle la députée N-VA.
Mais Özlem Özen, députée PS et membre de la commission justice depuis 10 ans, refuse d’entrer sur ce terrain-là. Si elle admet qu’une réforme est nécessaire, la députée également avocate estime que le timing est mal venu. La socialiste appelle également à “prendre de la hauteur” dans ce débat . “Le jury populaire est le seul endroit qui garantit une justice participative. Je n’ai aucun souci à débattre, mais on veut instaurer une loi de circonstance en se basant sur un cas précis, le procès des attentats, complexe à organiser. Si un État change ses procédures parce qu’il ne sait pas assurer la gestion d’un procès, c’est grave”, poursuit la députée.
“Quand il y a des dysfonctionnements, on ne doit pas les résoudre à coups de réformes en coin de table et dans la précipitation. Il faut, d’abord, se poser les bonnes questions sur l’état de la justice, et pour cela, nous avons un ministre, qui doit prendre ses responsabilités”, conclut Özlem Özem.