Editorial du « Monde ». La lutte contre le Covid-19 s’annonce de longue haleine. Elle ne se joue pas seulement sur le plan sanitaire. Elle concerne aussi la vie économique et sociale, soumise en quelques jours à de profonds bouleversements. Annoncée vendredi 27 mars par le premier ministre, la prolongation du confinement au moins jusqu’au 15 avril, alors que la vague épidémique n’en est qu’à ses débuts, pose au pays un sérieux problème de logistique : même si la consigne est de rester chez soi, il faut, au minimum, des agriculteurs pour produire, des chauffeurs routiers pour livrer, des commerçants pour vendre.
Traitée dans l’urgence à travers une série d’ordonnances qui permettent notamment de déroger à la durée du travail dans certains secteurs jugés essentiels, l’entrée dans ce qui ressemble fort à une économie de guerre s’est faite dans la discorde. Si, d’emblée, le Medef et la CFDT se sont entendus pour préconiser l’organisation d’« un service économique minimum » susceptible d’assurer le ravitaillement du pays et le fonctionnement des services publics, d’autres organisations patronales et syndicales ont traîné les pieds en invoquant le manque de matériel de protection mis à la disposition des personnels exposés.
Les premières craignaient des actions en justice, les seconds jugeaient que les conditions de sécurité minimales n’étaient pas garanties. Une fédération CGT a même déposé un préavis de grève dans les services publics pour avril. Au fil des jours, tous se sont néanmoins accordés sur un point : la nécessité de développer, à tous les niveaux, le dialogue social pour que la vie économique, malgré tout, continue. C’est heureux, car il est en réalité très difficile de définir, en période de confinement, ce qui doit ou ne doit pas rester en activité. Qu’une pièce détachée concernant du matériel agricole vienne à manquer parce que tel fournisseur a fermé, et c’est une chaîne d’approvisionnement qui se tarit. Pour viser juste, Il faut discuter au plus près du terrain.
Révélateur social
L’épidémie de coronavirus joue par ailleurs comme un puissant révélateur social. Elle accentue les inégalités entre les cadres et les professions intellectuelles, dont près des deux tiers télétravaillent, et les employés et ouvriers, qui sont à l’arrêt pour la moitié d’entre eux, selon une étude de l’IFOP pour Le Journal du Dimanche. Elle met en lumière toute une série de métiers jusqu’ici mal considérés, chauffeurs-livreurs ou caissiers, devenus, à la faveur de la crise, vitaux. Les syndicats veulent profiter de la période pour mieux les défendre. Ils ont aussi compris que ce qui se prépare aujourd’hui, c’est l’après, la sortie progressive du confinement qui risque de mettre à mal la cohésion sociale. L’activité économique a d’ores et déjà chuté de 35 %, et chaque mois de confinement risque d’engendrer une perte de croissance annuelle de 3 points, selon l’Insee.
« Nous allons devoir reconstruire un modèle », affirme Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, dans un entretien au mensuel Alternatives économiques. « Les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture », avait déclaré quelques jours plus tôt Emmanuel Macron. Mais, pour qu’un minimum de confiance se réinstalle après des mois de tension, il faut plus que des mots. Vendredi, alors que le président de la République tenait une audioconférence avec les partenaires sociaux, le ministre de l’économie annonçait que les entreprises qui demandent le report de leurs échéances fiscales et sociales ne pourront pas verser de dividendes. C’était un gage demandé par tous les syndicats.
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