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« Il y a ce à quoi nous sommes reliés, nous tous, confinés mais interdépendants, responsables, solidaires et fiers de l’être »

La très large acceptation du confinement révèle la fin de l’illusion de la toute-puissance individuelle et remet au premier plan la notion d’intérêt général, analyse dans une tribune au « Monde » la sociologue Nathalie Heinich.

Publié le 04 avril 2020 à 06h00 Temps de Lecture 5 min.

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« Grâce à cette crise a pu s’introduire dans l’esprit de maints de nos concitoyens l’idée que chacun n’est pas l’alpha et l’oméga de sa propre vie. » (Photo : le balcon d’un appartement de Pampelune, en Espagne, pendant le confinement contre le Covid-19,  le 2 avril 2020.)

Tribune. Comme tout événement imprévu, brutal, vital, la crise du coronavirus suscite son lot de régressions : épidémie de bobards, théories du complot et ragots en tous genres et, bien sûr, recherche acharnée de coupables – des Chinois à la mondialisation, du néolibéralisme au changement climatique, des autorités sanitaires imprévoyantes au gouvernement machiavélique. Autant de tactiques destinées, probablement, à retrouver un semblant de prise sur ce qui nous échappe.

Et ce qui nous échappe en priorité, ce n’est pas seulement la maîtrise de notre santé future mais aussi, dès à présent, la maîtrise de notre quotidien : en quelques jours nous a été ôtée – et pour une durée conséquente – cette liberté fondamentale qui consiste à pouvoir nous déplacer à notre guise. De mémoire récente, on n’avait jamais connu cela.

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Pourtant, malgré de prévisibles dérapages (refus d’obtempérer, stratégies de contournement de l’interdit, crises de nerfs), la situation n’engendre – pour le moment du moins – ni émeutes ni protestations de masse : les récalcitrants en restent au stade individuel (et ils ont même parfois leurs dénonciateurs auprès des autorités). On peut donc se demander ce qui rend, malgré tout, cette situation relativement supportable.

Une forte incitation à notre sentiment de responsabilité

Or, la réponse à cette question ne se réduit pas à l’existence de ces deux ressources essentielles que sont, sur le plan technique, la capacité de nous relier à autrui à distance grâce aux technologies de télécommunication (l’intensité de ces téléliens pouvant même aboutir à une forme de surmenage relationnel) et, sur le plan moral, le sentiment somme toute réconfortant que nous sommes à peu près égaux face à la menace (le virus ne connaît pas les classes sociales), même si elle touche davantage les plus âgés et même si, surtout, les conséquences du confinement sont tout sauf égalitaires selon les conditions d’habitation.

Car au-delà du maintien des liens à distance et de la relative égalité des risques sanitaires, il me semble que la principale raison de cette acceptation globale des mesures de confinement réside dans le fait qu’elles sollicitent intensément notre sentiment de responsabilité. Car on nous demande – et on a bien raison – de nous conduire en adultes, c’est-à-dire en êtres conscients que nos actions peuvent être bénéfiques ou nuisibles à autrui.

Souvenons-nous : la première réaction de beaucoup de nos concitoyens a été d’interpréter les mesures coercitives comme destinées à protéger leur santé : d’où une réaction de révolte et de rejet, car après tout, de quel droit la puissance publique pourrait-elle gouverner ma vie ? Et puis, étant jeune et pas malade je ne suis pas concerné, n’est-ce pas ? Et puis, n’aurais-je pas le droit, moi, de prendre des risques pour moi-même si cela me chante ? Heureusement la communication gouvernementale a bien mis les points sur les « i » : vous confiner, ce n’est pas seulement vous protéger mais protéger les autres – vos proches, et les inconnus croisés dans la rue, et l’ensemble de vos concitoyens.

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