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François Jullien : « La pandémie peut nous permettre d’accéder à la vraie vie »

Le philosophe explique pourquoi la traversée de cette crise peut être l’occasion de faire surgir de nouveaux possibles, sur le plan politique et éthique.

Propos recueillis par Nicolas Truong

Publié le 16 avril 2020 à 03h03, modifié le 17 avril 2020 à 08h59

Temps de Lecture 10 min.

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Le philosophe François Jullien.

Entretien. Philosophe, helléniste et sinologue, François Jullien a déployé son travail entre les pensées de la Chine et de l’Europe (Le Détour et l’accès. Stratégie du sens en Chine, en Grèce, Grasset, 1995 ; Un sage est sans idée. Ou l’autre de la philosophie, Seuil, 1998).

Titulaire de la chaire sur l’altérité à la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH), il est l’un des penseurs contemporains les plus traduits dans le monde auquel le livre de François L’Yvonnet – François Jullien, une aventure qui a dérangé la philosophie (Grasset, 234 pages, 19 euros) – offre un précieux et pédagogique accès.

Depuis dix ans, François Jullien a développé une importante philosophie de l’existence (Une seconde vie, Grasset, 2017), et vient de publier De la vraie vie (Editions de l’Observatoire, 198 pages, 19 euros).

La crise sanitaire est l’état présent du monde. Après avoir tant servi dans les domaines politiques et sociaux, économiques et financiers, voici que le mot « crise » nous atteint aujourd’hui en plein cœur de nos vies. Mais qu’est-ce, selon vous, qu’une crise ?

Selon sa racine grecque, la crise est ce qui « tranche ». Elle est le moment critique et dramatique qui tranche entre des possibles opposés. En médecine, entre la mort et la vie. Au théâtre, quand culmine la tension engendrée par l’action, avant l’acte du dénouement. Or on peut proposer une autre approche de la « crise », notamment à partir d’une autre tradition de langue et de pensée, telle la chinoise.

En chinois – c’est même devenu aujourd’hui une banalité dans les milieux du management – « crise » se traduit par wei-ji : « danger-opportunité ». La crise s’aborde comme un temps de danger à traverser en même temps qu’il peut s’y découvrir une opportunité favorable ; et c’est à déceler cet aspect favorable, qui d’abord peut passer inaperçu, qu’il faut s’attacher, de sorte qu’il puisse prospérer. Aussi le danger en vient-il à se renverser dans son contraire. De tragique, le concept se dialectise et devient stratégique.

Tel serait donc « le bon usage » de la crise aujourd’hui. Et d’abord à titre personnel et existentiel, dans ce sauve-qui-peut du malheur ?

Il y a, pour chacun de nous et collectivement, une situation négative à traverser. Mais cela peut – et même ce doit (d’un devoir éthique et politique) – être l’occasion de faire surgir de nouveaux possibles, « inouïs » au sens propre, que peut-être même on ne soupçonne pas. Il n’y va pas là d’une morale de consolation ou de compensation, de boniment, mais du concept rigoureux de la « vraie vie ».

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