Tribune. « Le changement, c’est maintenant », mais pour de vrai, sans fausses promesses ? Ce temps en suspens met en crise les certitudes les plus établies, les préceptes les plus chevillés. Printemps 2020 : un tournant du temps. Qu’en ferons-nous collectivement ? D’ores et déjà les luttes ne cessent pas : on l’a vu dès les premiers exercices du droit de retrait. Le confinement n’est pas un écrasement et les injonctions à l’union sacrée ne dupent pas. Le « Circulez, y a rien à voir » ne sera jamais de saison pas plus que les assignations : à approuver, à se taire, à s’aligner.
Deux pôles se forgent dans cette ébullition.
D’abord il y a les plans d’urgence sur ce dont nous avons besoin, ici et maintenant : pour les services publics de la santé et du soin, contre les attaques faites au droit du travail, en solidarité active avec les personnes les plus touchées.
Et puis il y a les élaborations sur ce que pourrait être « le monde d’après ».
Face à un capitalisme destructeur et mortifère, aux inégalités vertigineuses que la crise sanitaire révèle à plein degré, comment ne pas aspirer à une société qui en serait débarrassée ? Ce n’est ni « lunaire » ni « extrême » d’imaginer que ce monde-là a fait son temps.
Mensonges d’Etat
Ce qui est extrême, ce sont les mensonges d’Etat, le cynisme morbide d’un préfet Lallement, la privation d’eau pour les migrants contraints de boire l’eau d’un canal, dans notre capitale, des personnes laissées sans soin parce qu’elles ont plus de 70 ans, des stocks d’armes à foison, par contraste avec les stocks de masques – les 46 milliards du Rafale représentent quarante ans de salaire pour 46 000 infirmières –, ces trains de banlieue bondés en pleine épidémie, parce que des milliers et des milliers de personnes sont contraintes d’aller travailler, sans protection, pour des productions sans rapport avec les exigences vitales, ces dividendes par milliards distribués aux grands actionnaires quand nous manquons de l’élémentaire, ces gens mourant à petit feu dans des camps, femmes, hommes et enfants, pour cause de frontières ou bien encore noyés dans nos mers.
Ce qui est lunaire, c’est de penser qu’une telle organisation des rapports sociaux, de la production, de la consommation, des atteintes mortelles faites à la terre et au vivant pourrait n’avoir pas de fin, de croire que tout cela serait inéluctable, aussi évident que l’air respiré – de plus en plus infecté.
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