Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Quatre questions sur l’uniforme à l’école

Une commune de Seine-et-Marne expérimente pour l’année scolaire 2018-2019 l’uniforme en primaire. Retour sur un serpent de mer des débats sur l’éducation en France.

Par 

Publié le 05 juin 2018 à 16h02, modifié le 06 juin 2018 à 12h14

Temps de Lecture 4 min.

En Seine-et-Marne, les élèves de la commune de Provins pourront porter un uniforme à leur retour des vacances de la Toussaint. Le maire, Olivier Lavenka (LR), a proposé aux parents de six écoles élémentaires de voter « pour » ou « contre » le port de l’uniforme et 62,4 % d’entre eux se sont dit favorables à ce changement. La question du port de l’uniforme à l’école se pose depuis longtemps, mais le débat s’est accéléré quand François Fillon et Marine le Pen l’ont proposé au cours de leurs campagnes présidentielles.

1. A-t-on déjà porté l’uniforme en France ?

Dans une interview pour Ouest-France, l’historien de l’éducation Claude Lelièvre affirme qu’« il n’y a jamais eu ni loi, ni décret, ni prescription imposant un uniforme à l’école publique ». En effet, l’uniforme n’a jamais été obligatoire en France. L’idée de « retour à l’uniforme » est donc erronée et participe d’un « fantasme d’un âge d’or de l’école qui n’a jamais existé », selon Francette Popineau, la porte-parole du syndicat des instituteurs (SNUipp).

Si l’uniforme à l’école publique n’a jamais existé, la blouse a longtemps été portée dans les écoles élémentaires. Jamais obligatoire mais très répandue, la blouse a peu à peu disparu des salles de classes, car elle servait à protéger les vêtements des taches de stylos-plumes. C’est donc à la fin des années 1960, avec l’arrivée du stylo Bic et des vêtements à bas prix, que les élèves arrêtent de porter des blouses.

2. Qui défend l’uniforme ?

Dans les cinq dernières années, on compte trois propositions de loi visant à imposer une tenue réglementaire dans les écoles publiques. Elles proposent un « retour à l’uniforme », alors qu’il n’a jamais été mis en place, comme dans cette proposition faite au Sénat en 2013 qui dit que « blouses et uniformes scolaires ont accompagné les étudiants dans leur vie de tous les jours pendant de nombreuses années » ou encore que « le port de l’uniforme n’est plus obligatoire depuis les événements de Mai-68 ». Ces propositions placent l’uniforme comme une « tradition » française qui aurait disparu, une tradition qui est, en réalité, inventée.

Pour ces députés et sénateurs, tous LR, l’uniforme est un moyen de réduire les violences et l’insolence à l’école, un moyen aussi de renforcer le patriotisme, l’égalité entre les élèves et de s’assurer que la laïcité est respectée. François Fillon, quant à lui, avait affirmé sur TF1 lors de sa campagne, que l’uniforme oblige le « respect de l’autorité » et donne aux élèves le « sens de l’effort ». Aucune de ces trois propositions de loi n’a été votée à l’Assemblée nationale, mais le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a dit sur BFM-TV qu’il était favorable au port de l’uniforme pour « les écoles qui le souhaitent ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés La droite entend rétablir l’« autorité » à l’école

Les Républicains ne sont pas les seuls à vouloir imposer l’uniforme : selon un sondage IFOP effectué en 2017, 63 % des Français sont favorables au port de l’uniforme. On note que 78 % des sympathisants du FN encouragent ce changement pour seulement 56 % au Parti socialiste. Cependant, le port de l’uniforme n’est pas uniquement défendu pour rétablir l’autorité les écoles, il serait également vecteur d’égalité. En effet, l’uniforme pourrait permettre de gommer les inégalités sociales et de créer une communauté autour de l’école, comme le défend Jean-Michel Blanquer.

L’uniforme ne fait pas pour autant l’unanimité chez les parents. En Seine-et-Marne, les 37 % de parents qui ont voté contre l’uniforme s’inquiètent du prix, qui empêcherait l’école publique d’être gratuite. D’autres parents évoquent la perte de l’individualité et l’uniformisation, une tenue réglementée et obligatoire empêcherait les élèves de s’exprimer.

3. Que dit la loi actuelle ?

Aujourd’hui, seules les écoles privées ou militaires peuvent imposer un uniforme obligatoire. Les six écoles élémentaires de Provins seront donc les premières écoles publiques à exiger un uniforme. Le directeur de l’établissement et le maire ont demandé aux parents d’élèves de voter, une décision exceptionnelle puisque en réalité les parents n’ont pas à décider du code vestimentaire de l’école de leurs enfants. En effet, une circulaire de 2011 n’interdit que les tenues qui ne seraient « pas convenables ». C’est donc au conseil d’école, où siègent le directeur, les professeurs et un conseiller municipal, de définir ce qui peut être porté par les élèves.

Ainsi, on trouve une grande disparité entre les règlements intérieurs des établissements scolaires à travers la France. Beaucoup de directeurs ont interdit les jeans troués et les casquettes à l’intérieur. Certains sont allés plus loin comme le lycée Condorcet de Limay (Yvelines) qui a interdit les joggings ou encore le lycée privé Stanislas à Paris où les élèves ne peuvent pas porter de baskets.

Le Monde
-50% sur toutes nos offres
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 11,99 € 5,99 €/mois pendant 1 an.
S’abonner

La bienséance n’est pas le seul critère du code vestimentaire. En effet, le directeur d’école peut renvoyer un élève chez lui pour des motifs de sécurité ou d’hygiène, ou encore si l’élève porte un signe religieux clairement reconnaissable. Cette dernière règle, imposée par le code de l’éducation en 2004, continue de faire polémique, comme en 2016 au lycée François-Couperin à Fontainebleau où une jeune fille a été renvoyée chez elle, car elle portait une jupe trop longue qui a été interprétée comme un « signe religieux ostentatoire », selon le directeur de l’école.

4. L’uniforme existe-t-il dans d’autres pays ?

Si, en France métropolitaine, les uniformes n’ont jamais été imposés, ce n’est pas vrai du reste du territoire. En effet, ils sont très répandus en outre-mer, notamment en Martinique où plus d’un tiers des écoles publiques imposent l’uniforme à leurs élèves. Au Royaume-Uni, 98 % des établissements secondaires obligent leurs élèves à porter un uniforme complet, avec un coût avoisinant 400 euros par an et par enfant, selon France Inter. Les uniformes sont également populaires au Japon, présents dans la majorité des écoles. Certaines écoles japonaises en font même un produit de luxe, comme à Tokyo où un directeur aurait fait dessiner des uniformes de la marque italienne Armani pour ses élèves, d’après l’agence de presse Kyodo.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.