Menu
Libération
Récit

Métropoles : réinventer le logement abordable face aux «loyers de dingue»

Exposition, visites de quartiers et de résidences d'habitat social, projection de films, et beaucoup de débats : le logement social veut se réinventer à Lyon, lors d'un festival du 4 au 8 juin.
par Tonino Serafini
publié le 9 mai 2019 à 13h09

La catastrophe de la rue d'Aubagne à Marseille, est venue rappeler que dans les grandes métropoles, le logement social est indispensable pour abriter dans des conditions dignes, sûres et à des loyers abordables les ménages pauvres, modestes et même les couches moyennes. «Facteur aggravant des inégalités, la problématique de l'accès à un logement digne et décent doit redevenir prioritaire, afin de préserver la cohésion économique et sociale» annonce le «manifesto» du Festival international du logement social, qui va se tenir à Lyon dans un peu moins d'un mois, du 4 au 8 juin.

A lire aussi Après six mois de deuil, les Marseillais rebâtissent leur avenir

Au menu : expositions, visites de résidences et de quartiers d'habitat social, projections de films sur les HLM, et beaucoup de débats… «Les acteurs de l'habitat doivent se mobiliser pour réinventer un modèle dynamique et vertueux du logement abordable» souligne encore le «manifesto». Deux thèmes «une ville pour tous» et «un logement pour chacun» posent la question de l'habitat à un coût accessible à tous, notamment dans les grandes métropoles. «Les ménages européens consacrent en moyenne 24% de leurs revenus au logement. Et un ménage sur dix plus de 40%. Pour tous, c'est le premier poste de dépenses contraintes» pointe Cédric Van Styvendael, président de Housing Europe. Cette association qui fédère les bailleurs sociaux européens est l'un des organisateurs du festival avec la métropole du Grand Lyon et l'Union sociale pour l'habitat, qui regroupe les organismes de HLM français.

Sans surprise, de nombreux élus de grandes villes seront présents à Lyon, dont les maires de Francfort, Turin, Vienne, Montréal… Car tous sont intéressés et concernés par la problématique du logement abordable. «Les grandes métropoles ont pris des positions en faveur du logement social indispensable notamment pour loger leurs actifs» indique Cédric Van Styvendael.

Après une première édition il y a deux ans à Amsterdam – l'une des villes européennes particulièrement concernée par la question du logement cher – la biennale de Lyon, réaffirme dans son «manifesto» que «le logement n'est pas un produit comme un autre […]. Il représente un investissement durable au service de la société tout entière, dont dépend notamment l'accès ou le retour à l'emploi». Manifestement indispensable, le logement social revient pourtant de loin.

«Requins de l'immobilier»

Au cours des dernières décennies des logements sociaux ont été vendus massivement au privé en Grande-Bretagne comme en Allemagne. Et à Bruxelles, la Commission européenne poussait vers une dérégulation, laissant entendre que le marché, la concurrence feraient baisser les prix. Sans compter les Etats qui ont opéré des prélèvements sur les finances des bailleurs sociaux, comme c’est le cas en France, depuis la loi de finances 2018.

Résultat : les prix n'ont jamais été aussi élevés pour se loger. Dans le privé les loyers sont au zénith, partout dans les grandes villes européennes. A Berlin où les tarifs des loyers ont doublé en dix ans, 40 000 personnes ont défilé le 6 avril, pour dénoncer les «loyers de dingue». Des manifestations ont aussi eu lieu à Munich, Francfort, Stuttgart, Cologne ou Dresde. Des participants étaient déguisés en «requins de l'immobilier». D'autres arboraient des pancartes : «Surprise, le marché ne se régule pas de lui-même.»

Face à la dérive du logement cher, et l’incroyable augmentation du nombre de sans-abri estimés à 700 000 dans l’UE – en hausse de 70% en dix ans – la Commission européenne a infléchi sa position. Après avoir privilégié la dérégulation, Bruxelles considère désormais que le logement social est un investissement nécessaire à la cohésion sociale en Europe.

Les Etats changent aussi de braquet. Face à la folie des loyers en Allemagne mais aussi au Royaume-Uni, Berlin, aidé des Landers, va consacrer 5,7 milliards d'euros au logement social dans les quatre prochaines années et Londres 2 milliards de livres d'ici 2022. «En Europe, tout le monde est en train de revenir à des choses plus régulées», souligne, David Kimelfeld, président (LREM) de la Métropole de Lyon. Selon lui, ce sont les grandes villes, qui ont provoqué ce changement d'approche : «Les élus des grandes métropoles ont fait remonter vers les gouvernements les difficultés qu'avaient leurs habitants et les salariés à se loger.»

«Déphasage entre salaires et loyers»

Même le monde de l'entreprise, a fini par s'inquiéter «du déphasage entre salaires et loyers» rapporte David Kimefeld. Comment recruter à Paris des employés payés entre 1 200 et 1 300 euros quand une telle somme est exigée pour le loyer d'un deux-pièces ? Comment vivre avec un petit salaire quand le moindre studio coûte entre 600 et 900 euros ?

Les pays de l’Union européenne se rendent compte que la cherté du logement est susceptible de freiner leur développement économique et leur compétitivité. Pour continuer à recruter la main-d’œuvre dont elles ont besoin dans les grandes villes, deux possibilités : que les entreprises augmentent leurs salaires pour que leurs salariés puissent se loger dans un marché toujours plus cher, ou que les pouvoirs publics mettent le cap sur le développement de d’habitat abordable.

Près de 5 000 personnes sont attendues à Lyon, du 4 au 8 juin, pour «échanger (leurs) expériences et pour contribuer à l'invention du logement social de demain» annonce le «manifesto» du festival.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique